de Frédérique MOULINIER-FUENTES
Je rencontre en médiation familiale des parents avec leurs enfants devenus adultes. Jeunes adultes, parfois parents eux-mêmes, les médiations sont souvent à leur initiative.
Cette démarche me paraît particulièrement courageuse.
Ces médiations ne peuvent pas faire l’économie de revenir sur la relation passée, et elles se tournent aussi résolument vers l’avenir.
Interrogations sur la place de chacun, question sur l’amour que l’on se porte mais qu’on ne se dit pas, reconnaissance parentale du jeune adulte qu’on est devenu, autonomie désirée et redoutée, émotions refoulées, cadre familial différent, incompréhensions, besoin d’appartenance, rejet…
Lors de ces médiations, il se dit des choses très fortes («qui suis-je pour vous ? … Comment je peux me sentir bien dans cette famille ?), il se vit aussi des gestes très forts (une embrassade, une accolade, un regard après des mois de rejet ou d’indifférence).
Il n’est pas question de culpabilité, c’est plus souvent il me semble un besoin de s’ajuster. S’ajuster au temps qui passe, aux besoins de chacun qui changent, aux caractères qui s’affirment et à une nouvelle relation plus « égalitaire », d’adulte à adulte.
Les enfants deviennent parents, les enfants deviennent adultes. Et en même temps, cet adulte, reste l’enfant de…
Les parents restent parents, ils deviennent aussi parfois grands-parents.
Je ne peux pas m’empêcher de penser aux paroles de cette chanson de Grand Corps Malade
« J’ai un peu d’mal à imaginer la vie sans
mes proches
Quand j’dis un peu d’mal en fait j’l’imagine pas
du tout
Ils sont mes repères, mes bases, mes
compliments, mes reproches
Sans eux je ne suis pas entière, j’les veux pas
loin souvent partout.
Je crois que j’ai le sens de la famille ».
Le sens de la famille c’est ce qui peut pousser ces parents et ces enfants à faire une démarche de médiation. La famille est pour eux un lieu aimé et un lieu redouté. Certains ne s’y sentent plus en sécurité. Et c’est souvent cette bascule qui les pousse à agir. Ce cocon, ce nid est devenu un lieu où ils se sentent fragiles, non reconnus. Avec la médiation chacun cherche à exprimer, à comprendre et à se projeter.
Blessures d’enfance pas forcement, blessures du présent souvent. Le dialogue est rompu, ou il est plus destructeur que constructif.
La médiation familiale se propose d’être ce pont entre ces générations. Un pont au milieu duquel les parents et les enfants vont pouvoir se rejoindre. Chacun devra faire des pas, parfois en s’approchant du vide. Il faudra par moment reculer pour atteindre finalement cette rencontre. Les membres de la famille peuvent alors décider de la relation qu’ils veulent avoir. Elle sera différente. L’expérience de la médiation familiale c’est aussi l’expérience de l’écoute et de l’ouverture à d’autres possibilités.