@pascalebodet
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Il y a quelques jours nous avons présenté la médiation du travail au sein du Mouvement association Auvergne-Rhône-Alpes, lors d’une journée d’échange autour de l’emploi associatif, destinée aux acteurs de l’accompagnement.

Lors de cette présentation, Gaëlle Walker a rappelé le principe de la médiation comme mode de résolution des conflits et a pointé l’intérêt de la présence du tiers pour aider à l’accompagnement de cette gestion de conflit.

Les personnes présentes à cette réunion, accompagnent, conseillent, orientent les associations sur les questions d’emplois notamment, et elles ont exprimé leur interrogation et leur intérêt pour cette posture de tiers. Certains d’entre eux s’étaient déjà « frottés » à la médiation et avaient pu d’eux même constater que leur implication dans le système avait mis à mal cette place de médiateur, tiers personne.

Beaucoup s’interrogent sur la compatibilité de leur fonction d’accompagnement et de leur implication dans des situations porteuses de médiation.

Leurs questionnements nombreux sur la notion de neutralité me donne l’occasion de préciser à nouveau ce qu’à mon sens ce mot représente et quelles implications concrètes en médiation cela implique.

La posture de Tiers est une spécificité du métier de médiateur. Cette posture particulière le place dans un « entre-deux ».

La neutralité  vient du latin « neuter » qui veut dire aucun des deux. Cette neutralité implique de ne pas avoir de projet pour les personnes. En psychanalyse, elle se manifeste par l’idée que le psychanalyste n’entre pas sur la scène du patient. En analyse systémique, le médiateur fait partie du système relationnel et sa neutralité se traduit par une distance qui l’empêche d’entrer en coalition avec l’un ou l’autre. Claire DENIS, médiatrice familiale explique qu’on n’est jamais neutre mais qu’on tend à l’être.

Cette neutralité serait alors une balise, une référence qui pousse le médiateur à ne pas conseiller, à ne pas décider, à écouter différents points de vue en n’en adoptant aucun.

Thomas FIUTAK parle « d’impossible neutralité ». Effectivement pour tendre à cette neutralité, le médiateur familial doit mettre de côté ses croyances, son histoire. Etre neutre apparaît comme un véritable exercice. Le médiateur s’il tend à être neutre, reste lui-même avec ce qu’il est. C’est l’exigence de sa posture professionnelle qui lui demande d’être le plus neutre possible.

Il est important de ne pas confondre neutralité et passivité. Il existe une vision dynamique de la neutralité. La neutralité se définit par une façon de penser et des comportements. Le premier choix du médiateur, celui de se placer dans une situation de Tiers n’est pas neutre. Il prend le parti de la médiation. Et sa neutralité se porte sur cette posture de tiers. Posture que le médiateur a choisie et doit assumer.

Alors une question se pose : la neutralité émotionnelle existe-t-elle ? Cette notion est souvent employée dans la relation soignant-soigné. Le médiateur n’est pas dans cette position, mais on peut se demander si viser la neutralité implique de s’approcher de cette neutralité émotionnelle.

Le médiateur met en veille ses propres émotions au profit du processus et du cadre. On parle souvent de « mise à distance ». Il s’agit alors pour le médiateur de se protéger lui-même et par conséquent de protéger les personnes reçues à qui il doit toute sa compétence professionnelle dont la neutralité fait partie.

Mais la neutralité émotionnelle est une « douce illusion ». On ne peut pas ne rien éprouver. Ce qui est intéressant c’est de distinguer deux espaces : un espace professionnel qui peut être traversé par certaines émotions reçues en tant que médiateur et un espace personnel qui laisse s’installer des émotions qui là, risquent de desservir le processus. Quand ces deux espaces s’entrechoquent on parle de résonnance et la posture de tiers n’est plus assurée. On parle de « faille émotionnelle » où se pose la limite entre l’empathie et la résonnance.

Cette question de la neutralité est un pivot de cette posture de tiers. Si l’impartialité et l’indépendance du médiateur semblent moins difficiles à mettre en place, la neutralité reste un travail d’équilibriste.

Je crois que nous ne sommes pas neutres. En revanche, nous avons des attitudes neutres : écouter, questionner, reformuler de la façon la plus neutre possible.

Le médiateur est bien un tiers neutre et impartial. Il doit rester conscient de ce qu’il ressent (« la lucidité du médiateur ») et de ce que ressentent les autres.

La neutralité dans sa complexité pourrait se traduire en termes de distance et de juste implication. Le médiateur est à la recherche de cette distance idéale qui lui permet de garder la bonne posture professionnelle. Il n’est ni indifférent, ni insensible, ni passif mais plutôt à distance et impliqué. Impliqué sur le principe de la médiation, à distance de ses propres croyances pour accueillir et comprendre celles des personnes.

                                                                                                               Frédérique Moulinier-Fuentes