Par Gaëlle Walker
S’il s’agit de définir la posture du médiateur, l’écoute est primordiale. Elle compose une des compétences fondamentales du médiateur : il propose en préalable du processus, un temps et un espace dans lequel la personne en demande de médiation va pouvoir s’exprimer, et déposer ce qui l’amène dans cette démarche de recherche de compromis.
Or cette première phase du processus de médiation n’est pas anodine, et se déroule selon des règles spécifiques. Elle marque un moment fort de positionnement de la posture du médiateur. C’est dans ce temps que le médiateur va asseoir le cadre et les limites de son intervention.
Ainsi Il est intéressant d’analyser cette écoute en comparaison à celle d’un thérapeute, à celle apportée par l’assistant social, ou encore celle d’un avocat, expert juridique, ou d’un psychologue.
A première vue, on pourrait croire que l’écoute serait pratiquée de la même façon d’un professionnel à l’autre. Il s’agit de permettre à la personne de s’exprimer, de lui donner un espace d’expression de ce qu’elle vit, de ce qu’elle ressent, mais aussi de ses besoins. On utilise le terme d’écoute empathique. Or l’écoute du médiateur n’est pas celle d’une psychologue, ni celle de l’expert juridique.
Elle diffère tant dans le temps qu’elle occupe que dans son champ d’action.
En effet, je définis l’écoute du médiateur par ses limites : elle doit être limitée et contenue dans le temps. Elle ne peut donc durer indéfiniment, pour éviter de devenir une écoute thérapeutique, ou une écoute d’ investigation. Ainsi elle ne doit pas dépasser un temps certain. Le médiateur en définira lui-même la limite. Une heure suffira selon moi dans le cadre de l’entretien individuel, mais cette appréciation est différente d’un professionnel à l’autre. Plus de temps consacré à l’expression de la personne aurait deux écueils : faire dériver l’écoute vers le détail ou la répétition, qui peuvent conforter la personne dans un besoin de compréhension du médiateur plus qu’un besoin d’écoute. Le deuxième écueil serait de provoquer par cette écoute un besoin de sympathie et d’intimité avec le médiateur, qui pourra mettre en difficulté son impartialité ou sa neutralité, ou modifier la perception de la personne de ces deux qualités.
Ainsi il me semble important de circonscrire dans le temps ce moment.
Il est nécessaire ensuite de limiter l’écoute dans ses champs d’exploration. Le médiateur conduit la personne à exprimer ce qu’elle ressent, dans le cadre précis de la relation dont il est question. Le médiateur ne questionnera pas les faits ni les éléments techniques de dossier ni même les arguments juridiques, à moins de de se laisser porter plus vers un rôle d’expert technique, juridique ou administratif que vers le rôle de médiateur.
Ainsi l’écueil sera pour le médiateur de chercher à mieux comprendre le fond du conflit, et ainsi risquer d’y être impliqué personnellement, et moralement.
Le médiateur par ses outils de synthèse et de questionnement amène donc la personne à recentrer le contenu de ce qu’elle exprime sur la problématique de relation.
Ainsi si elle souhaite apporter des éléments factuels en soutien de son positionnement ou de son attitude, on l’amènera à conclure, ou à recentrer son discours sur les effets sur la relation en question, si ces éléments factuels semblent redondants ou répétitfs. Ceci, bien sûr, est à l’appréciation du médiateur qui va utiliser ses compétences, et ses techniques de façon à orienter le contenu des entretiens sans diminuer la qualité de l’écoute, c’est-à-dire répondre à la fois à un besoin de la personne d’exister, mais aussi d’être respectée, et entendue.
C’est en cela que j’évoque la nécessité pour le médiateur de contenir l’entretien individuel, ainsi que de diriger cet entretien de façon à conduire la réflexion de la personne vers la coconstruction, et l’objectif de collaboration.
Cependant, prenons avec délicatesse cette notion de « diriger », ou « conduire », puisque nous savons aussi que le rôle du médiateur est de laisser émerger les besoins des personnes, et de concentrer son écoute sur ces besoins.
Ainsi le médiateur n’a pas d’objectif ni d’intention sur le fond du litige. La capacité de conduire l’entretien est un élément de la posture du médiateur.
Gaëlle Walker