Le désordre émotionnel et la naissance du conflit conjugal
Claire Bonnelle, dans La Dynamique du conflit, explique la naissance du conflit par « la persistance de la colère et l’impossibilité à entamer un travail de deuil »[1]. En effet, face aux blessures non pansées et lorsque l’identité des personnes est touchée, les interactions entre les membres du couple se transforment. La communication se détériore, et inconsciemment les personnes entrent dans un engrenage involontaire qui les mène au conflit.
La séparation est un évènement douloureux, qui touche la structure même de l’équilibre familial. Chaque membre du système familial va vivre la situation différemment, parfois avec une grande intensité émotionnelle selon sa propre histoire affective, éducative. Une des spécificités de la médiation est d’offrir un espace d’accueil des émotions et du désordre provoqué par l’expérience de la séparation.
Pour Jaqueline Morineau, le conflit « naît de la rencontre de deux désirs contradictoires qui s’opposent et qui paraissent vitaux à ceux auxquels ils appartiennent »[2]. Le conflit résulte des souffrances non exprimées par les personnes et entraîne le désordre tant d’un point de vue individuel que d’un point de vue collectif. Chez l’individu, la souffrance non exprimée, non reconnue, peut conduire à l’expression de la violence. En cela, la médiation familiale peut accueillir le conflit conjugal et permettre la mise en mouvement d’un processus de transformation vers l’apaisement.
L’espace de médiation serait un espace intermédiaire : entre un avant et un après (notion de temporalité), l’extérieur et l’intérieur (notion d’espace et notion intrapsychique). Un lieu à la fois commun et individuel dans lequel chacun peut exprimer ses affects. Avec la possibilité de préserver un espace psychique privé.
La médiation familiale, espace réceptacle du conflit
Le conflit est « la constatation d’une opposition entre personnes ou entités. Le conflit est chargé d’émotions telles que la colère, la frustration, la peur, la tristesse, la rancune, le dégoût » (Y.Morain, B.Chouvier, Par-delà la rupture familiale), une lutte de sentiments contraires. Dans un de ses ouvrages, Jacqueline Morineau évoque que « Dans tout conflit se crée un espace, un vide qui isole chacun dans son vécu. Vide que chacun essaie désespérément de combler par des mots qui restent sans signification pour celui auquel ils sont adressés » 2. Il est par conséquent intéressant de repérer que la médiation va, à son tour, créer un espace pour favoriser l’échange.
Pour certains auteurs, la notion de « désordre » n’est pas acceptée et pas acceptable dans notre société moderne, ce qui engendre une intensification de la violence. Or, la médiation, en proposant la réintégration du désordre, donc en l’accueillant, participerait à une (r)évolution des rapports humains. Ce processus est perçu comme un bouleversement dans la relation de l’homme avec lui-même et avec la société.
Le conflit est la manifestation du désordre et lors de la médiation, nous allons permettre aux colères et autres émotions qui animent les personnes accueillies, d’être exprimées, entendues et reconnues par l’autre. Privilégier la rencontre, offrir un espace-temps, donne alors une place à la souffrance.
Mon expérience m’amène à penser le lien entre l’espace de médiation, lieu d’accueil des affects et du désordre, et l’espace de la création. En effet, le passage du désordre (conflit, chaos) à un nouvel ordre peut initier la création. J’entends par création, la construction d’une relation nouvelle, d’une compréhension différente de son vécu, de ses ressentis et de ceux des autres.
La médiation familiale constitue potentiellement dans ce contexte un espace « réceptacle ». Elle a aussi pour fonction de permettre un vécu dynamique du conflit aux individus. Le but étant que chacun soit acteur de la situation pour évincer le sentiment d’impuissance qui, lui, peut cristalliser la situation.
[1] BONNELLE Claire, La dynamique du conflit
[2] MORINEAU Jacqueline, L’esprit de la Médiation
Caroline ALMOSNINO