Ne plus avoir peur du conflit.

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Reconnaître que l’on est en conflit est souvent difficile pour les personnes qui en sont acteurs. Quelles sont les raisons de ce déni ?

Dans une entreprise où l’absentéisme est important, où les difficultés de communication sont évidentes, et les blocages décisionnels fréquents, le manager ou le Responsable RH sera formel : « Les conflits chez nous ? Cela n’existe pas ! »Et ils seront sincères dans leur affirmation.

En famille, il en est de même. « Dans notre famille, il n’y a jamais eu de conflit, juste quelques désaccords de temps en temps, mais ça c’est normal ». Mais les tensions sous-jacentes et les non-dits ressurgissent à un moment ou à un autre, et dans un contexte parfois difficile et douloureux comme un décès ou une rupture. Et alors c’est l’explosion.

D’où vient cet aveuglement qui empêche de reconnaître l’évidence, et empêche ainsi de surmonter les difficultés ?

Notre société cultive en effet le tabou du conflit : tout désaccord est mal perçu : considéré comme un échec, une faiblesse, une fragilité. Le différend serait comme l’expression d’une faille, une remise en question d’une compétence, de l’autorité, la position sociale. Dans une entreprise, le conflit peut être interprété comme une forme d’incompétence du manager : il n’a pas su éviter cela, ou gérer la relation….

En famille, le conflit peut donner l’impression d’un échec, ou d’un manque de maîtrise de la situation, de l’autorité. Le conflit fait peur aussi, parce qu’il représente une explosion, une rupture, une situation irréversible, mais aussi la perte de contrôle, vers une issue que l’on ne désire pas…

Mais si on se penche sur la question, nier le conflit n’empêche pas l’aboutissement de l’issue, d’une part,

Et le conflit n’a pas forcément des répercussions négatives ! Plutôt qu’une fin, ou une rupture, il conduit plus souvent vers un changement, et constitue ainsi plutôt un passage. Un passage parfois douloureux mais nécessaire pour une amélioration de la situation. Il peut constituer aussi une alerte, comme une sirène , parfois hurlante, d’un dysfonctionnement.

Le conflit n’est donc pas négatif et peut même être un tremplin vers une situation plus adaptée.

De plus, nier le conflit ne fait que le durcir. Refuser de reconnaître un désaccord, c’est laisser grandir les sentiments de désarroi, de frustration, qui alimenteront la colère, jusqu’à la faire exploser.

Dans l’escalade des conflits, les personnes usent de modes de communication indirecte, comme le cynisme, la mauvaise foi, le commérage, afin d’exprimer de façon détournée leur sentiment de colère refreinée. Ces modes de communication ont la particularité de ne pas laisser de champs à l’argumentation, à la parole contradictoire. L’écoute et l’expression sont déviées.

Ainsi la macération de mauvais sentiments s’accumulant, arrivant à son paroxysme explosera à la moindre étincelle.

Reconnaître le conflit, c’est y faire face. C’est prendre en compte une situation de crise nécessitant une intervention, un changement, une prise de décision. En ayant l’humilité de reconnaître le dysfonctionnement, il est alors possible d’agir sur ce dysfonctionnement.

Il s’agit véritablement d’une démarche engagée et responsable. Elle nécessite courage et conviction. Mais c’est aussi s’assurer si ce n’est un succès, en tout cas une amélioration.

Cet engagement et cette foi en ce qui peut advenir fonde la culture de la médiation : les personnes deviennent acteurs de la relation, et non plus simplement observateurs impuissants ou victimes. De leur implication dans la démarche de recherche de processus, ils se responsabilisent sur ce qui peut advenir. Ils reprennent confiance dans la relation parce qu’ils ont la possibilité de garantir la règle.

Ne plus avoir peur du conflit, c’est aussi ne plus avoir peur de l’autre.

Gaëlle WALKER