Parmi les freins au développement de la médiation, on peut compter les réticences fortes développées par certains juges sur cette pratique : la médiation est fréquemment opposée au droit.
Est-ce véritablement la question ?
Un tel constat est dressé lors de la journée d’étude »Justice : état des savoirs » sur le thème »Frontières du droit, frontières de la justice » qui a eu lieu le 27 mai 2016 et organisée par le Ministère de la Justice et l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS
Emmanuel Dockès, professeur à l’Université de Paris Ouest Nanterre la Défense, souligne que les modes alternatifs de règlement des litiges ont le plus souvent pour but d’éviter d’aller en justice et que l’apaisement proposé risque de se faire au préjudice de la partie la plus faible dans bien des cas.
Dans les relations de travail en particulier, « en remplaçant le recours au juge par des méthodes contractuelles, on restreint l’accès au juge et on prend le risque que les relations soient déséquilibrées ». Pour Emmanuel Dockès, «« il ne faut pas que les alternatives à la justice deviennent des justices alternatives » qui protègent le plus fort au détriment du plus faible.
Essayons de comprendre d’où vient cette idée, et quels en sont les arguments. On la retrouve souvent dans le domaine social où chaque acteur du conflit tente de maintenir le conflit de position au lieu de le remplacer par un rapport d’intérêt. La posture défensive des juristes, avocats et partenaires sociaux, conduite par une mission de protection du client les amène à privilégier la finalité, outre le rapport de confiance entre les personnes.
S’agirait-il ainsi de prendre plus en considération les droits des personnes que leurs intérêts ? Ne faisons pas une généralité.
Or la médiation intervient sur un champ complémentaire qui privilégie la relation et la confiance retrouvée. Sans naïveté ni bien-pensance, mais avec pragmatisme et détermination. Et dans le respect des besoins des personnes plus que de leur droit.
En effet, en médiation, l’indépendance et l’impartialité forcent la distanciation du médiateur par rapport aux intérêts des personnes, et permet au cadre de garantir une issue choisie et librement consentie par les personnes.
Opposer la médiation au droit est-il opportun,
puisque la médiation s’inscrit précisément dans la légalité. Elle ne peut pas être contraire au droit. Par contre il peut arriver en effet, que des personnes trouvent entre elles un accord en médiation qui ne reprend pas les droits de chacun. Cet accord respectera les besoins de chacun exprimés dans un cadre et un équilibre entre les personnes garanti par le médiateur à tout moment du processus.
Ce qui prévaut , est-ce le maintien ou la restauration de la relation, ou est-ce la finalité matérielle ? De cette question de la relation dépendra le succès de la médiation, là où le droit n’aura pas d’autorité.
Gaëlle WALKER