La médiation judiciaire : synthèse des ateliers du Grand Café de la Médiation .

LA SYNTHESE :

Les ateliers du Grand Café de la Médiation à Lyon portaient sur les différentes questions concernant la mise en pratique de la médiation judiciaire.

En effet, les magistrats qui souhaitent introduire la médiation dans la procédure judiciaire ont besoin de clarifier plusieurs points : quel est le moment opportun ? A qui faire appel, et sur quels critères ? Identifier aussi les différences avec la conciliation?

Les rapporteurs (étudiants en Master 2 de médiation à l’Université de Lyon 2) ont rassemblé avec précision l’ensemble des échanges. Ils vous sont présentés intégralement dans le lien ci-joint.

Synthèse du Grand Café de la Médiation

Et voici le contenu intégral du premier atelier.

Bonne lecture !

Gaëlle WALKER

Table ronde 1 : Le choix du médiateur.

Par Marine DUMAS.

Les critères de choix ; les listes de médiateurs ou structures de médiation, l’affiliation à la Cour d’Appel.

Les intervenants :

  • Bertrand de BELVAL : Avocat, président de la commission MARD du Barreau de Lyon
  • Diane CORROYER BARTOLETTI : Directrice des services de greffe judiciaires du Tribunal d’Instance de Villefranche sur Saône
  • Christine MONIER : Médiatrice
  • Cécile COTIER : Magistrat au Tribunal administratif de Grenoble
  • Philippe CHARRIER : Animateur. Chercheur à l’Université Lyon 2
  • Clarisse TARDY, rapporteur de la table.

Introduction de Philippe Charrier, qui rappelle le sujet et apporte des questionnements par rapport à celui-ci à savoir :

Les personnes qui ont un conflit en commun savent-elles qu’elles peuvent choisir leur médiateur ? Le choix du médiateur est-il toujours un choix ? Peut-on révoquer un médiateur ? Dans le choix des médiateurs, quels sont les critères que l’on mobilise ? Quelles sont les bonnes caractéristiques d’un médiateur ?

Il apparaîtrait deux typologies dans le choix du médiateur :

  • Est-ce que l’on cherche un médiateur spécialiste ?
  • Est-ce que l’on cherche un médiateur généraliste ?

Le choix du médiateur est fondamental, car il implique également sa formation, suivant qu’il soit généraliste ou spécialiste.

Diane CORROYER BARTOLETTI explique qu’au tribunal d’instance, il n’y a pas de choix du médiateur pour les parties puisque celui-ci est imposé par le magistrat. C’est le tribunal qui va orienter le justiciable vers le médiateur.

Une autre question apparaît alors liée au choix du médiateur : un problème qui lie les conciliateurs et les médiateurs. Le manque de formation des conciliateurs amène en effet à se tourner vers les médiateurs que l’on pense plus formés.

Or aujourd’hui elle ne voit pas bien les connaissances en droit que peuvent avoir certains médiateurs qu’elle connaît, connaissances qu’elle juge pourtant essentielles à la médiation.

Il faudrait dans l’idéal combiner une formation psychologique et juridique. En tant que Directrice des greffes, elle évoque une idée d’orientation des dossiers de tutelles en médiation.

Il s’agirait bien du rôle du médiateur vu que le conflit est extra judiciaire, l’accord doit pérenniser le lien entre les membres de la famille. De son avis, le médiateur doit être ici une personne spécialisée, car le droit est un vaste chantier, chaque domaine devrait donc être connu spécifiquement des acteurs qui s’en servent (notamment pour les homologations d’accords). Malheureusement, la différence entre les médiateurs et les conciliateurs est également d’ordre financier, et dans un milieu rural plus particulièrement, nous pouvons imaginer que le coût puisse être un frein à la médiation.

Christine MONIER n’est pas d’accord avec l’idée d’une formation juridique indispensable pour les médiateurs. Les conseils, qui peuvent être présents en médiation ont déjà ce rôle, ils peuvent également rédiger les accords. De plus, les médiés n’ont quasiment jamais le choix de leur médiateur car il incombe au magistrat ou au centre de médiation vers lequel ils ont été dirigés. En revanche, on s’accorde sur le fait que les médiateurs devraient être spécialisés. Pour la médiation commerciale par exemple, les directeurs peuvent être rassurés d’avoir face à eux quelqu’un qui connaît le monde de l’entreprise. Cela devrait cependant rester accessoire, un complément pour un médiateur mais pas une obligation dans la formation.

Cécile COTTIER évoque le fait qu’aujourd’hui, peu de magistrats administratifs sont formés aux outils de la médiation. Le projet de loi « justice du 21ème siècle » qui a été validé par le conseil constitutionnel en novembre 2016 indique que maintenant nous ne serons plus en justice administrative de conciliation mais de médiation, choix terminologique qui tend à être en lien avec la directive européenne.

Deux courants émergent de ce projet : un courant qui propose que les juges puissent être médiateurs, l’autre qui projette d’externaliser les médiateurs, qui seraient donc désignés par les juges. Les juges, dans tous les cas, doivent être aux faits de la médiation afin de pouvoir diriger aux mieux les personnes vers de bons médiateurs. Les personnes qui se présenteraient aux juges en demandant accès à la médiation pourraient alors avoir accès à différends médiateurs. La question du coût peut aussi avoir des conséquences sur le choix du médiateur.

Présente dans l’assemblée, Hélène LECOQ, présidente du Réseau des Médiateurs en Entreprise s’exprime par rapport au profil du médiateur. Il faudrait que ce profil soit cadré par des textes de manière large, mais que le cadre soit plus restreint pour les différents « clients ». En effet, tous n’ont pas les mêmes attentes de la médiation (ils peuvent avoir des critères différents), et c’est en cela que les associations ou centres de médiations peuvent être utiles pour orienter les personnes désireuses de médiation vers un médiateur en lien avec la requête.

Il ne faudrait pas être expert ni en droit ni sur le fond de la question, mais il faudrait cependant connaître les problématiques pour conduire la médiation avec diligence. Il faudrait en cela des formations d’approfondissement de médiations spécifiques.

Maître de BELVAL précise que si le propre de la médiation est bien l’interdisciplinarité, il n’empêche que tout accord doit respecter l’ordre public, or si on ne connaît pas le droit, on ne connaît pas forcément l’ordre public, il y a donc un minimum de connaissances juridiques à avoir. Il faut être généraliste mais aussi spécialiste. Il faut certaines connaissances des domaines de la médiation que l’on mène car si l’on ne comprend pas le langage de l’autre qui est un langage spécifique, on ne pourrait pas mener à bien cette médiation. Au niveau du choix du médiateur, si l’on prend l’exemple des pays Anglo-Saxons, le tribunal fournit des noms de médiateurs avec parfois même leurs CV pour que les personnes puissent choisir. En France, une liste de médiateur va être créée, il y aura également des avocats agréés médiateurs, mais pour créer cette liste, il faudra forcément poser des critères discriminants (la formation, l’expérience) pour que cela puisse fonctionner.

Outre le fait qu’il faudrait une formation de base mais qu’il faille aussi connaître la personnalité et les caractéristiques de la personne, une question ressort (sujet de la table ronde n°1): quels sont les dossiers orientés en médiation ? Il faudrait avant tout établir une bonne pratique afin que le tribunal établisse une charte qui permettrait aux magistrats de choisir les structures correspondantes à la demande.

A la suite de ces différents échanges, il est évoqué que ce ne serait pas tant le choix du médiateur, mais le conflit qui choisirait en quelques sortes le médiateur (dans le sens où un conflit correspondrait ou non à un médiateur suivant sa personnalité, sa formation). Le litige induirait donc le choix du médiateur.

Ces derniers propos vont provoquer un débat dans la salle, plusieurs personnes réagissent. Cela fait ressortir l’idée que si l’on n’était pas formé spécifiquement à un domaine de médiation, une question d’ordre technique pourrait nous échapper. Or un médiateur, si un problème devient trop technique ou juridique, peut faire appel aux conseils des parties, ou à un expert externe à la médiation.

Ce n’est pas la technicité qui doit définir le médiateur.

 Maître de BELVAL approfondit l’idée qu’il faudrait que les médiateurs soient spécialisés ou au moins sensibilisés, notamment lorsqu’une médiation doit être traitée dans l’urgence. Toutefois, plusieurs médiatrices présentes à la table ronde rétorquent qu’un conflit ne peut être correctement traité en urgence, il s’agirait plutôt dans ces cas-là de négociation.

L’expertise relève d’un tiers à la médiation, le médiateur est lui un expert de la relation.

La co-médiation est en ce sens une bonne alternative, car elle regroupe différentes personnalités de médiateurs.

Pour conclure, la médiation devrait donc se donner le luxe d’avoir le temps.

De plus, il faudrait malgré tout s’intéresser à la nature du litige, car un médiateur, malgré ses compétences, pourra ne pas forcément être compétent dans tout type de conflits, ce qui ouvre donc une porte à différents champs pour la médiation.